Il
semble que cette pratique revienne à la mode. Compostelle tenant la
palme pour les pèlerinages en Europe. De nombreuses publications de
personnalités plus ou moins célèbres, des affluences records, des élus
qui se battent pour dire qu'une route passe par leur commune!...La route
Saint-Martin mais plus encore les pèlerinages franciscains, plus
enracinés dans l'histoire, devraient émerger. Faut-il faire
obligatoirement un pèlerinage aussi grand pour ressentir son échelle en
foulant pas à pas les sentiers? Tomber dans l'ivresse des paysages? Se
confronter dans l'essentiel à plus grand que soi? Exercer sa résilience
face à la fatigue, aux contraintes familiales et professionnelles, à la
maladie? Chaque pas du chemin, d'un chemin, permet de plonger dans les
mêmes sensations que celles éprouvées par nos lointains ancêtres. Rien
ne change sauf nos perceptions. Quelques gadgets de plus sans doute,
comme le mobil. Bref, le pèlerin ne vieillit pas à travers les siècles.
L'homme reste toujours petit dans les immensités de l'espace et du
temps. Fragile aussi. C'est dans ce rapport au monde remettant le corps à
sa place que se fait aussi un pèlerinage intérieur, mental. La
libération des toxines allègent le cerveau. Ceux qui sont en relation
avec le Christ disposent d'un supplément d'âme. D'une part d'étoiles
plus attentives. Comment cela? Car, pour reprendre l'exemple de
Compostelle, contrairement à ce que l'on peut entendre, celui-ci n'a pas
été récupéré par les catholiques...mais initié par les catholiques. Ne
serait-il pas absurde d'édifier une Route Saint-Martin en oubliant sa
dimension chrétienne? En se coupant des racines catholiques inhérentes à
cette histoire? Eglise toujours fidèle par la gratification d'un
successeur de Saint-Martin en la personne de son Archevêque de Tours?
Quand je marche, quand "j'avance comme un âne" comme dirait le Cardinal
Etchegaray, je suis cette petite chose faible qui avance et se bat, qui
partage cette expérience intime, solitaire avec d'autres. Ce n'est pas
le "seuls ensemble" d'internet mais la communication communion, directe,
dans l'agir et le ressentir. A ras de terre, "très bas" comme
l'écrirait Christian Bobin. Les sens en éveil. En communion avec les
pèlerins passés, présents ici et maintenant, et les futurs. Elle est
belle cette succession, cette tradition. Il est puissant ce retour aux
sources. Les images de pèlerinages sont fortes, il s'agit non pas d'un
accomplissement sportif mais d'un passage, d'un témoignage, d'un
cheminement tortueux en sa chair mais clair. Dans une traversée
différente d'un pays ou de pays, un peuple trouve et retrouve du sens.
Il s'agit d'une tradition s'adaptant à la modernité, en continu, depuis
des siècles. Ainsi le lien social, entre personnes, au-delà des
caricatures et des couleurs politiques se plonge dans une vie réelle qui
se maintient dans un pas à pas peu glorieux, boueux, dur mais dans un
dialogue vrai de coeur à coeur. Ainsi du pélerinage, la congruence entre
notre condition terrestre horizontale et besogneuse et l'au-delà
vertical passe par de petites ampoules, pas si lumineuses. La voie
étroite. L'herbe fraîche. Comme depuis des siècles la paix du coeur par
celle du corps retrouvé.
Philippe Sanguinetti, 17 janvier 2015, Valbonne Sophia-Antipolis
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